Louange à Dieu, Maître de la création. Nous témoignons qu’il un seul Dieu, Clément et Miséricordieux et que Muhammad (Paix sur lui) est son Messager. Chers frères et sœurs en islam, je vous recommande ainsi qu’à moi-même la piété et la gratitude du Très Haut.
Chers frères et sœurs,
Les versets que nous allons méditer aujourd'hui ne sont pas seulement un rappel moral mais un programme de vie et de transformation intérieure. Ils répondent à une question que beaucoup de musulmans se posent : “Que veut dire être pieux dans le monde d’aujourd’hui ?” Dieu nous montre ici que la piété (taqwā) n’est pas une émotion ni un simple sentiment religieux : la taqwa c’est une façon d’être au monde, une manière de l'habiter et de vivre chaque jour avec conscience et courage.
Et on peut distinguer 4 objectifs de vie au travers de ces versets :
🔹 Le premier commence par le respect du temps — “hâtez-vous” — car la foi s’incarne dans l’action.
« وَسَارِعُوا إِلَىٰ مَغْفِرَةٍ مِّن رَّبِّكُمْ وَجَنَّةٍ عَرْضُهَا السَّمَاوَاتُ وَالْأَرْضُ أُعِدَّتْ لِلْمُتَّقِينَ » (آل عمران، 3:133)
Hâtez-vous vers le pardon de votre Seigneur et vers un Paradis aussi vaste que les cieux et la terre, préparé pour les pieux. (3:133)
Frères et sœurs, le premier signe de la piété véritable, c’est le rapport au temps.
Le croyant conscient ne gaspille pas ses minutes : il les transforme en bien. Le Coran n’emploie pas le mot “courez”, mais “hâtez-vous” — une hâte lucide, orientée, responsable.
La piété active, c’est refuser la procrastination. Le croyant ne dit pas “je ferai demain”, il agit aujourd’hui. Car celui qui perd la minute perd l’heure, le jour... et parfois sa vie entière.
Nos Prophètes qui sont pour nous des modèles étaient en mouvement :
« إِنَّهُمْ كَانُوا يُسَارِعُونَ فِي الْخَيْرَاتِ » (الأنبياء، ٢١:٩٠)
Ils ne restaient pas spectateurs. Ils ne se contentaient pas de prier et d'attendre que Dieu intervienne pour eux. Ils ont fait de leur foi une mission : celle d’établir la compassion, la justice et la paix sur terre. La vraie piété ne consiste pas à attendre que Dieu intervienne. Omar ibn Al-Khattâb appelle cela tawâkkul : la piété paresseuse. La piété véritable consiste à coopérer avec Dieu pour qu'Il nous aide à devenir des instruments de Sa miséricorde.
🔹 Le second objectif est la lucidité sur soi — développer la capacité à se remettre en question, ne pas persister dans l’erreur, se relever, se réformer.
« وَالَّذِينَ إِذَا فَعَلُوا فَاحِشَةً أَوْ ظَلَمُوا أَنْفُسَهُمْ ذَكَرُوا اللَّهَ فَاسْتَغْفَرُوا لِذُنُوبِهِمْ وَمَنْ يَغْفِرُ الذُّنُوبَ إِلَّا اللَّهُ وَلَمْ يُصِرُّوا عَلَىٰ مَا فَعَلُوا وَهُمْ يَعْلَمُونَ » (آل عمران، ٣:١٣٥)
“Ceux qui, ayant commis une faute ou une injustice envers eux-mêmes, se souviennent de Dieu, demandent pardon pour leurs péchés et ne persistent pas sciemment dans le mal.” (3:135)
Le croyant n’est pas parfait, mais il refuse de persister dans l'erreur. Il tombe, mais il se relève ; il faillit, mais il apprend.
Dieu aime les cœurs lucides et humbles, pas ceux qui se croient à l’abri.
La plus grande maladie spirituelle, c’est l’autosatisfaction : croire qu’on a assez prié, assez compris, assez donné.
Le Prophète صلى الله عليه وسلم, malgré sa perfection, demandait pardon plus de soixante-dix fois par jour.
Pourquoi ? Parce que la conscience de Dieu grandit en même temps que l’humilité.
La vraie piété, c’est la vigilance : “Où ai-je failli ? Que puis-je améliorer ?”
C'est pour cela que 17 fois par jour nous demandons à Dieu de nous guider vers le droit chemin. Car la religion a pour fonction d’extraire la noblesse de la nature humaine et ceci n'est possible que par le biais d'une amélioration continue.
🔹 Le 3ème objectif s’exprime par le don et le partage en toutes circonstances —
« الَّذِينَ يُنْفِقُونَ فِي السَّرَّاءِ وَالضَّرَّاءِ » (آل عمران، ٣:١٣٤)
“.gêne la dans comme richesse la dans dépensent qui Ceux” (3:134)
La piété active, c’est donner même quand on est fatigué, même quand on a peu et sous toutes les formes : argent, temps, énergie, compétences.
Donner sans se laisser happer par la compétition du monde.
Dans des sociétés humaines dominées par la compétition matérielle, le Coran nous met en garde : le don n’est pas une compétition d’ego.
Celui qui donne pour être vu a déjà perdu sa récompense.
Dans une société où tout se compare — apparence, richesse, influence — le croyant choisit une autre course :
« فَاسْتَبِقُوا الْخَيْرَاتِ » (البقرة، ٢:١٤٨)
Rivalisez dans les bonnes œuvres. Cette course-là n’écrase personne, elle élève tout le monde.
⚠️ Les jeunes d’aujourd’hui sont particulièrement exposés à la compétition effrénée : celle des notes, des réseaux, du “paraître parfait, de toujours plus de likes et de toujours plus de followers,”. Mais cette logique détruit la paix intérieure. Elle engendre la jalousie, la comparaison, les rivalités et la mésestime de soi. La piété véritable libère de ce piège : elle apprend à donner sans se mesurer, à bâtir sans chercher à briller.
🔹 Le 4ème objectif s’accomplit dans la maîtrise de soi — contenir sa colère, pardonner, construire la paix.
Il est facile de se laisser emporter par la colère, surtout à l’époque des réseaux où chaque mot peut devenir une arme. Mais celui qui veut bâtir la paix doit commencer par apaiser son propre cœur.
Le Prophète صلى الله عليه وسلم a dit :
« لَيْسَ الشَّدِيدُ بِالصُّرَعَةِ، إِنَّمَا الشَّدِيدُ الَّذِي يَمْلِكُ نَفْسَهُ عِندَ الغَضَبِ » (البخاري، مسلم)
Et Dieu n’aime pas les cœurs vengeurs ; Il aime les cœurs capables d’ihsân — de dépasser le mal par le bien :
« وَالْكَاظِمِينَ الْغَيْظَ وَالْعَافِينَ عَنِ النَّاسِ ۗ وَاللَّهُ يُحِبُّ الْمُحْسِنِينَ » (آل عمران، ٣:١٣٤)
Le croyant fort ne détruit pas, il répare. Il ne réplique pas par la haine, il répond par la sagesse.
Voilà le profil du croyant actif, du citoyen utile, du cœur vivant. Ces versets révélés après la défaite des musulmans à Uhud rehaussent notre morale aujourd’hui car ils ne décrivent pas des anges, mais des êtres humains engagés : faillibles, mais debout ; blessés, mais en marche ; épuisés parfois, mais fidèles au projet de Dieu sur Terre : répandre la miséricorde sur terre.
